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Le grand serpent de mer   (10 minutes de lecture)  
 
 

#récit #serpentdemer #monstremarin #conte #légende

 

  Mes chers amis, je vais vous parler cette fois-ci d’une créature incroyable, fantastique, mais surtout, colossale et terrifiante! Alors si vous n’êtes pas des âmes sensibles, couchez vos enfants si vous le voulez bien, montez à mon bord, et prenez place confortablement au carré. Surtout, ouvrez bien vos yeux et vos oreilles, car ce que vous allez entendre et voir ici, pourrait à jamais changer votre perception de notre monde nautique. Il se peut qu’ensuite, il vous soit impossible de dormir en toute tranquillité dans vos mouillages forains! Il se peut même que certains d’entre vous abandonnent la navigation! Vous voilà donc prévenus!

 

  Vous ne vous sauvez pas à toutes jambes? Vous me regardez d’un air persifleur? Ah sacrebleu!...voici donc d’hardis moussaillons! Tiens…servez-vous un verre, remplissez ma tasse de fer blanc et passez-moi du feu que je commence.

 

  Donc, de toutes les créatures marines mythiques, le grand serpent de mer occupe une place toute particulière depuis des temps très anciens. Il a fait partie de nombreuses légendes, et des ouvrages entiers lui ont été consacrés. Qui d’ailleurs n’en a jamais entendu parler? Dans toutes ces histoires, il symbolise le mal, crache parfois du feu et s’attaque aux grands navires, fait bouillonner les flots et terrorise les marins. Sa longueur estimée se situerait entre 6 et 75 mètres, ce qui vous en conviendrez, laisse une marge plus que floue, du moins d’un côté biologique ou scientifique. Dans tous ces récits, il est décrit de tellement de façons, qu’il serait bien difficile de s’en faire une image précise, mais laissons de côté ces contes si vous le voulez bien, et regardons un peu les témoignages sérieux qui s’offrent à nous le concernant.

 

  Parlons tout d’abord de la carcasse d’un grand serpent de mer, qui fût découverte le 22 Janvier 1860 à Hungary bay dans les Bermudes et dont W.D. Munro fit le croquis. Bien sûr, on tenta de noyer le poisson, si je puis m’exprimer ainsi, et il fut dit qu’il s’agissait en réalité d’un Régalec, une vulgaire poiscaille que l’on trouverait même en Méditerranée! Mais ne vous laisser pas berner par ces cochons d’armateurs, toujours à rechercher le profit! Qu’en aurait-il été si les marins avaient su la vérité et auraient refusé de prendre la mer? Vous voyez donc comme moi clair dans leur jeu? Bien sûr, ce spécimen de trois mètres n’était qu’un alvin, un têtard, un lardon qui venait tout juste de naître, et la facilité de sa capture n’en est-elle pas une preuve évidente en elle-même? Non, surtout ne vous laisser pas tromper comme de vulgaires terriens!

 

***(Dessin de W.D. Munro)

                                                                                                    

  Voyez cet autre témoignage, qui lui, nous vient de la canonnière française Avalanche dans la baie d’Along en 1898. Le capitaine, un homme certes intègre et expérimenté, fit ouvrir le feu de ces canons tribords sur un monstre qui faisait, lui, au moins 30 mètres de long! Ah! Voici une créature dont la taille correspond mieux à notre terrible serpent de mer! Ces tirs nourris furent d’ailleurs sans effet. Permettez-moi de citer ici un extrait de son rapport. « Sa taille avoisine la trentaine de mètres, sa peau est grise et lisse, ses nageoires sont noires et chacune de ses émersions est précédée d’un jet de vaporisation d’eau issue de la violence de sa respiration. Sa tête ressemble à celle d’un phoque mais en deux fois plus grosse. » Une baleine, me dites-vous? Ne croyez-vous pas qu’un valeureux capitaine de canonnière française n’aurait su différencier un serpent de mer d’une baleine? Allons mes amis! Un peu de sérieux! Mais, j’ai évidemment d’autres preuves. Ne soyez pas trop impatients!

 

  Vous me direz que ces histoires datent d’il y a fort longtemps, et vous avez raison. Pourquoi alors les nombreux navigateurs modernes qui sillonnent les océans n’en font-ils pas mention? Pourquoi à notre époque ou les satellites sillonnent les cieux et prennent des images des mers, une telle créature aussi gigantesque n’est-elle point répertoriée? Il semble en effet que le grand serpent de mer soit une créature des plus timide, qui probablement hante les plus grandes profondeurs des océans. Mais, n’est-il pas vrai également que les recherches océaniques nous révèlent encore régulièrement des créatures tout à fait étonnantes, dont nous ne doutions point de l’existence hier? Il arrive pourtant au grand serpent de mer d’évoluer en eaux peu profonde. Laissez-moi vous exposer alors d’autres témoignages, d’un temps plus contemporains ceux-là.

 

  Par exemple, au début des années 70, France, François Guillain et leur ami Didier, furent eux-mêmes témoins de l’apparition du grand serpent de mer. Ils avaient échoué leur voilier Alpha dans les îles Cocos pour faire de l’eau, et avaient eu bien du mal à le remettre ensuite à flot. Ils avaient finalement réussi, et étaient maintenant ancrés dans une baie, entre les pâtés de coraux, et jouaient gaiement au Scrabble dans le carré, lorsque France entendit de curieux crépitement. Laissez-moi vous citer ce passage écrit par France, qui se retrouve à la page 211 de leur excellent livre : Le Bonheur sur la Mer.

 

  « Il y a là, devant nous, à une dizaine de mètres peut-être, quelque chose d’immense et de très curieux. Comme une série de troncs énormes bien alignés sur l’eau et disposés à intervalles réguliers. Des centaines d’oiseaux sont posés, agglutinés sur cette chose noir et luisante, cylindrique. Chaque fois que les troncs s’immergent, tous les oiseaux s’envolent à la fois dans un grand pépiement, et vont se poser à côté sur les nouveaux troncs qui apparaissent. Pour nous, il ne fait pas l’ombre d’un doute qu’il s’agit d’un animal énorme, très long : 20, 30, 40 mètres? Apparemment de la forme d’une anguille géante d’un mètre de diamètre, au moins! Nous ne voyons ni la queue, ni la tête. »

 

  Leur ami Didier, plus hardi, voulait bien aller voir la bête de plus proche, mais le Capitaine et France le traitèrent de fou et refusèrent de s’approcher. Ils restèrent pétrifiés sur le pont, et la bête évolua doucement entre les pâtés de coraux pendant près d’une heure. Ils furent soulagés lorsqu’elle sortie finalement du lagon, suivie de tous les oiseaux. Malheureusement, le grand serpent de mer était à contre-jour et ils ne purent prendre de photos. Alors? Toujours sceptique?

 

  Peu d’années avant ces événements, dans l’archipel des Withsunday, près de la grande barrière de corail et de l’Australie, Robert Le Serrec, sa femme Raymonde, leurs trois enfants et leur équipier Henk de Jong, ont été aussi des témoins privilégiés d’un grand serpent de mer. Eux, ont pu le photographier, et ont même poussée l’audace jusqu’à le filmer en plongée, alors que la créature, portant une blessure de plus d’un mètre de long, reposait sur le fond sableux du lagon. Les photos ont d’ailleurs faites l’objet d’une étude d’Ivan T. Sanderson dans la revue True en Juillet 1965. Voici un résumé de leurs observations.

 

  « D’une longueur totale de 22 à 24 mètres, la bête était de couleur général noir, avec des bandes brunes de 60 cm environ réparties tous les 1.50m. Le diamètre du corps était de 80 cm environ à partir de la tête et sur la longueur de 7 mètres à peu près; il s’amincissait ensuite rapidement, jusqu’à ne plus former qu’une mince queue sur les derniers mètres. La tête, noire avec une tendance irrégulière au brun, ressemblait à celle d’un serpent, n’était le crâne beaucoup plus élevé (1m-1.20m). La largeur au plus fort de la mâchoire était d’environ 1,20m. Les yeux d’un vert très pâle, presque blanc, s’ornaient de pupilles noires verticales. »

 

  J’arrêterai ici cette description, qui est plus complète, et que l’on retrouve au chapître 27 (Le géant inconnu), que l’on peut lire dans l’excellent livre «Autour du Monde, 5 ans à la voile en thonier» par Robert Le Serrec. Nous avons vu que celui-ci était gravement blessé, peut-être attaqué par un de ses congénères encore plus gros. C’est assurément la raison pour laquelle ils ne furent pas dévorés et purent nous rapporter ces images.

 

***(Photos de R. Le Serrec)

                                                                          

 

                               

           

  Croyez-vous maintenant au grand serpent de mer? Peut-être me direz vous alors que ces observations plus modernes, faites dans le lointain Pacifique ne sauraient vous émouvoir outre-mesure, vu la distance avec les eaux que vous fréquentez? Peut-être même me direz-vous que vous êtes assurément à l’abri de telles créatures dans l’eau douce dans laquelle vous naviguer? Détrompez-vous! Le grand serpent de mer n’a ni frontière, ni limite. Avec ces témoignages, nous avons bien vu qu’il est parfaitement capable de remonter des profondeurs et d’évoluer dans quelques mètres d’eau. Il peut donc remonter les fleuves, s’introduire dans les rivières et même rejoindre des lacs, pourquoi pas? Il peut aussi bien se retrouver dans l’Atlantic, la Méditerranée ou le Pacific. Aucun navigateur n’est totalement en sécurité! En voici une dernière preuve.

 

  Par une belle nuit étoilée et sans lune d’Août, environ en 1991, mon voilier était amarré à son quai de la marina de Boucherville, près de Montréal au Québec. Nous dormions du sommeil du juste mon mousse et moi, lorsqu’en pleine nuit, une créature assurément monstrueuse, s’amusa à venir percuter le fond de notre bateau, faisant vibrer ses membrures jusqu’à la tête du mât. Elle nous percuta à trois reprises, et mon mousse et moi nous sommes vite retrouvés en pyjama sur le quai, pris d’une peur incroyable et tremblant comme des feuilles. L’absence de lune et le faible éclairage des quais ne nous permirent pas d’apercevoir le grand serpent de mer, mais il y a des choses qu’un capitaine ressent, et il n’y a aucun doute dans mon esprit que c’était bien lui! Il ne passait pas à l’attaque, comme je le crus d’abord, mais évidemment il n’aura pas apprécié le goût de polyester de notre coque. S’il avait voulu, il aurait certainement pu couler ma coquille de noix!

 

  Certains d’entre vous plus suspicieux iront peut-être faire quelques recherches dans les archives du journal «La Seigneurie» de l’époque. Ils y découvriront que durant ces années, les propriétaires de la marina trouvèrent un matin, un esturgeon de 6 pieds (2 mètres) pesant plus de 70 livres (32 kilos) dans une des chaloupes de la marina. Ils me diront peut-être avoir vu eux-mêmes des esturgeons encore plus gros sauter complètement hors de l’eau à cette période de l’année, et que c’est probablement un de ces poisson qui aura heurté mon voilier avec tant d’insistance? Détrompez-vous! Moi je SAIS que c’était lui! Alors, lorsque vous serez bientôt dans vos mouillages paisibles, ou lorsque vous laisserez nonchalamment vos pieds tremper dans l’eau, installés confortablement sur la jupe arrière de votre bateau, pensez au grand serpent de mer! Il est peut-être là à vous surveiller, à quelques mètres et prêt à vous dévorer.

 

Le Poète

 

Alain Lavoie

 

Tag(s) : #Contes et Légendes
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